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Mozart ? un génie européen forcément libre
Si la vitesse est partout au 21éme siècle, au 18éme, celui de Mozart, elle est incontestablement logée dans la tête et le corps d’un enfant prodige admiré à 6 ans par toutes les cours d’Europe. Original, contestataire, atypique, c’est aussi cela Mozart. Il n’ira jamais à l’école. Son père sera son unique pédagogue. Qui, de nos jours, composerait un concerto à 5 ans, une symphonie à 7 ans et tout un opéra a 12 ans ? Aucun artiste contemporain n'est à même de composer plus de 650 œuvres, soit plus de 200 heures de musiques, soit 180 cd et… une pile d'environ 3 m 20 ! Autre facette de Mozart relativement méconnue: il passe régulièrement de l allemand au français et du français à l'italien (ce qui lui permet d'échanger entre autres avec Casanova à ...Prague* comme le souligne Philippe Sollers un de ses nombreux biographes).
A 6 ans, Mozart, « Trazom » Wolgang s'amusait à parler "à l'envers". Mais il n'inversait pas simplement les syllabes, il inversait l'ordre des lettres. Il s’amuse a signer sa colossale correspondance de 7 volumes souvent de cette manière (voir notre sélection de notes de lecture en fin de Last Interview). Toujours à 6 ans, il a déjà composé plusieurs cantates et fugues.
Mozart compositeur précoce. Mozart polyglotte. Mozart passionné de mathématiques (lettre du 14 avril 1770). Mozart virtuose mais surtout Mozart épris de liberté face a une adolescence... contraignante. Promener ou plus exactement imposer en Europe par son Père auprès des Princes, Papes et autres Rois, l’enfant prodige, ni noble ni bourgeois, se construit vite une réputation d’enfant atypique. Inimitable, unique, intuitif, évidemment hypersensible, il comprend rapidement à l’adolescence que tout reste à jouer, qu’il ne peut pas se reposer sur les œuvres d’une « enfance de génie ». C’est un des traits de cette intelligence hors norme mais fragile. Une intelligence portée par un caractère indépendant de la trempe d’un Giordano Bruno brûlé en place publique à Rome en 1600 sans rien renier de ses écrits (lire la Last Interview d’Attypique à ce sujet).
En 1764, dans sa neuvième année, son père Léopold, excellent pédagogue, directeur RH et « directeur marketing » avant l’heure de la « star », note chez son fils Wolfgang Amadeus : « il a toujours maintenant un opéra en tête. Ça n’arrive qu’une fois par siècle ce type de personnalité ».
Personnages, situations, rien n’impressionne l’enfant qui s’imagine déjà capable de maîtriser un opéra tout comme reproduire de mémoire une symphonie (lire l’anecdote en fin de Last Interview).
Mozart, vraisemblablement doté de l’oreille absolue de naissance sait quand il entend un son de quelle note il s’agit. Une note qu’il mémorise aussitôt. Le compositeur précoce entend les sons qu’il doit exprimer. Un avantage naturel évident. Il impressionne a tel point qu’un magistrat anglais, Daines Barrington, examine cette personnalité atypique. Conclusions : « il a un très grand sens de la modulation, une grande maîtrise des doigtés, et passe d’un ton à un autre avec un extraordinaire naturel. Il peut jouer longtemps pendant qu’un drap cache le clavier… ».
Passionné, rebelle, direct, sans doute conscient de ses dons, Amadeus n’apprécie pas toujours le regard des adultes notamment des nobles sur lui. Mozart les rencontre. Il voyage. L’enfant est amené par son Père dans les plus grandes cours d’Europe. Mozart parle et écrit avec facilité l’italien, le français, l’anglais et l’allemand. N’oublions pas ses connaissances en grec et en latin, qui lui permettent également de traduire un texte avec aisance semble t-il. L’immense culture de ce musicien exceptionnel reste trop souvent oubliée par certains de ses biographes.
A 15 ans, Mozart sait que l’enfant prodige connu dans toute l’Europe constitue finalement plus un handicap qu’un avantage pour son avenir. Il a conscience qu’il doit repartir à zéro pour bâtir sa vie d’artiste adulte. L’adolescent possède les bases pour y parvenir. Reste la méthode et…le temps. Étouffé par le Prince-archevêque de Salzbourg, Mozart avec la complicité de son père, se pose très tôt une question essentielle : comment imposer son talent d’artiste « libre » mais « dépendant » au sein d’une Europe orchestrée par les princes de l’église et la noblesse des cours ? L’une des clés, c’est le travail et les concerts. Son père Léopold l’aidera et le poussera au travail toute sa courte vie. Son œuvre demeure immense : 41 symphonies, 22 opéras, 18 messes… Paradoxalement, le plus joué des compositeurs reste un mystère avec une musique qu'on ne cesse de redécouvrir, fraîche, pure. Belle.
Léopold Mozart, excellent musicien, auteur de nombreux concertos, trios, oratorios, sonates et autres symphonies, publie un livre devenu célèbre à l’époque : « Essai d’une méthode approfondie du violon ». Durant les 20 premières années de sa vie, son père qui se veut aussi son ami et son « coach », l’encadrera constamment en le faisant travailler sans relâche. De ce cadre, l’enfant cherchera toujours des espaces de liberté. Par les notes mais aussi par les mots et les attitudes.
Certains biographes créditent son tempérament de vulgaire. Pas sûr. Scatologique, sûrement. Provocateur ; évidemment. Une fois encore, il faut retrouver l’ambiance et les codes de l’époque. Certes si les lettres de Mozart apparaissent très libres, elles ne choquaient pas dans son siècle. Témoin cet échange entre deux aristocrates avec cet extrait d’une lettre de la duchesse d’Orléans, écrite à l’électrice du Hanovre :
« Vous êtes bien heureuse d’aller chier quand vous voulez ; chiez donc tout votre chien de soûl. Nous n’en sommes pas de même ici, je suis obligée de garder mon étron pour le soir… » (suivent trois pages sur le même sujet intestinal).
Autrement dit, la duchesse d’Orléans doit se retenir toute la journée pour satisfaire un besoin naturel. Mais l’époque permet toutes considérations digestives ; on ne montre pas ses chevilles ni ses mollets, mais on parle de chier comme de boire. Mozart aussi. Et que répond l’électrice de Hanovre ? : « C’est un plaisant raisonnement de merde que celui que vous faites sur le sujet de chier… ».
Revenons à la musique de ce magicien des sons. Toute sa courte vie, ce génie rebelle va chercher sa liberté pour imposer sa musique, quitte à s’opposer à son père plus conciliant car soucieux d’assurer une aisance matérielle à sa famille. En 1775, après la première représentation de l’opéra bouffe « La Finta Giardiniera » le critique Schubart écrit dans la Deutsche Chronik : « si Mozart n’est pas une plante de serre, il deviendra l’un des plus grands compositeurs qui aient jamais vécu. » Idem pour Grimm, personnalité incontournable du Paris artistique de l’époque qui encense Mozart enfant dans sa « Correspondance littéraire, philosophique et critique » avant de le rabaisser lors de sa seconde visite à Paris. Avis partagé également par padre Martini, le grand musicologue du 18éme siècle. Mais Mozart adulte n’est plus Mozart enfant. Moins d’indulgence de la part des critiques pour « l’ex enfant prodige ». Les contemporains de Mozart, mis à part Haydn, trouvaient sa musique trop sérieuse, et les romantiques la trouvaient trop superficielle par exemple. Mozart s’en moque.Il va rebondir, imposer son génie et se battre pour son indépendance. Baudelaire cité par Philippe Sollers (1) écrivait de lui : «chaque note se transforme en mot ».
Mozart c’est aussi l’humour, l’insolence, son ton …atypique comme le prouve cette anecdote Après la première représentation du singspiel L'enlèvement au sérail en 1782 à Vienne, une phrase de l'empereur Joseph II est restée très célèbre : « Une musique formidable mon cher Mozart, mais il y a cependant quelque chose... Il y a je pense trop de notes dans cette partition ! ».Sur quoi, Mozart répondit : " mais quelles notes voulez-vous donc que j'enlève ? ", ce qui laissa quelque peu l'empereur dans l'embarras...
Le lendemain de la mort de son père, il écrit la fameuse petite musique de nuit, moins légère qu’elle n’en a l’air. Mozart est le premier musicien qui se libère de son employeur et protecteur (Colloredo), d’archevêques et de Princes. Peu de temps avant la révolution françaises, il se revendique comme artiste libre et défend totalement son art qui reste la première de ses priorités. Il tient en horreur les étiquettes telles que celles attribuées aux classes sociales. Les « Noces de Figaro » sont alors la méthode qu’il choisit pour dénoncer les injustices qui le dérangent et l’on souvent humilié. Mozart est le premier compositeur révolutionnaire, avant même Beethoven. Humaniste et lecteur de Kant, Goethe… Mozart ne se montre pas hostile aux idées nouvelles et révolutionnaires qui se propagent alors. Lui qui ne voulait pas être traité comme un valet, dénonce par exemple et c’est un fait rare la condition féminine de l’époque. Au sein de sa loge maçonnique non mixte il déplore l’absence des femmes : « la moitié de l’humanité ».
Plus de deux siècles plus tard, la musique de Mozart est partout, mais lui nulle part.
La fin le surprend lorsqu’il compose son Requiem. Obèse selon certains de ses biographes et criblé de dettes (c’est une certitude), il meurt à 35 ans, en 1791 d’une complication rénale ayant résulté d’une infection avec un streptocoque selon les dernières études. Ses restes ont été confiés à une fosse communautaire avec 10 personnes au total (et non fosse commune). " Son dernier souffle fut comme s'il voulait avec la bouche, imiter les timbales de son requiem, je l'entends encore. " écrit alors Sophie Haibel, belle-sœur de Mozart.
Jean Philippe @attypique
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Attypique.com : Quand avez-vous compris que vous étiez fait pour composer ?
Wolfgang Amadeus Mozart : «Très jeune. »
En observant vos partitions, on note l’absence totale de ratures, de pages biffées, brouillonnées… Tout est anticipé lorsque vous composez ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « Quand vous connaissez l art de la composition avec maîtrise l’harmonie suit d’elle même comme si un Tout se présentait totalement achevé quand je commence a écrire mes premières lignes. Il faut entendre les notes et pas seulement les écrire et les lire »
Dans une de vos lettre issue de votre importante correspondance (2) vous livrez votre préférence pour une de vos œuvres…
Wolfgang Amadeus Mozart : « Je sais, oui, le quintette pour piano et instruments à vent en mi bémol majeur K.452, la meilleure œuvre que j’ai composée de ma vie »
Attypique.com : Votre musique est elle mystérieuse ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « Je cherche les notes qui s'aiment. La lumière est devenue un matériau majeur de mon œuvre. Crat Repoa, le clergé secret des initiés fondé par Menès a résonné dans ma musique. La flûte enchantée mal traduite en français devrait réellement se nommée flûte magique, elle renferme secrets initiatiques et épreuves. ”
Attypique.com : Quelles voies avez-vous voulu privilégier pour votre musique ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « L’opéra, le théâtre des passions de l’homme se retrouvent dans les souffrances et les sentiments des vies »
Attypique.com : Que représentent vos « tournées » auprès des plus grandes cours d’Europe qui vous qualifiaient enfant de « génie » ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « Tout le monde parle et personne n’écoute… Le vrai génie sans cœur est un non-sens. Car ni intelligence élevée, ni imagination, ni toutes deux ensemble ne font le génie. Amour ! Amour ! Amour ! Voilà l'âme du génie. »
Attypique.com : Quelle part prend la religion dans votre vie ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « J’ai toujours Dieu devant les yeux, je reconnais sa puissance et sa colère »
Attypique.com : Vos lettres font appel à une écriture très libre avec un…
Wolfgang Amadeus Mozart : « Vocabulaire de cul, c’est vrai.. »
Attypique.com : Votre musique, dans son ensemble nous élève et nous fait ressentir plus de légèreté et de liberté. Dans votre vie personnelle, la liberté apparaît toujours en filigrane ; vous avez été le premier musicien a mettre votre art au dessus d’une vie matérielle due au mécénat. En vous « mettant a votre compte » en quelque sorte, vous rompez avec toute une tradition de compositeurs Bach, Haydn… dépendants de riches protecteurs. Quel sens accordez vous au mot liberté ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « Ils s’imaginent parce que je suis petit et jeune qu’il ne peut rien exister en moi de grand et de mûr. Notre richesse nous l’avons dans la tête et celle là aucun homme ne peut nous la prendre (contrairement à la richesse des nobles) » (lettre 278 / 1778) J’ai écrit dans une correspondance datée du 9 mai 1781 alors que je démissionnais de mon poste chez le souverain de Salzbourg « aujourd’hui commence mon bonheur » en précisant à mon mécène « et Moi non plus je ne veux plus rien avoir a faire avec Vous ». J’ai même confirmé dans une courte lettre le 12 mai 1781 « si je pouvais obtenir 2000 florins au service de l'archevêque de Salzbourg (que je quittais) et 1000 seulement dans un autre lieu j’irai pourtant dans cet autre lieu ». « J’appartiens trop à d’autres personneset trop peu à moi-même. Et que ce ne soit pas là mon genre de vie favori, je n ai vraiment pas besoin de vous le dire ».
Attypique.com : Lors d’un concert donné à Paris, vous vous en prenez au public qui ne vous comprend pas assez selon Vous ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « Ce qui me fait le plus de peine ici, c’est que ces dadais de Français s’imaginent que j’ai encore sept ans parce qu’ils m’ont connu à cet âge-là. On me traite ici exactement comme un débutant – excepté les musiciens qui, eux, pensent autrement. »
Attypique.com : Vous avez aimé, que représente le mariage pour Vous ?
Wolfgang Amadeus Mozart : « Les nobles ne peuvent se marier par goût ou par amour, mais uniquement par intérêt, et toutes sortes d’autres considérations. Moi c’est différent avec Constance »
Et l’amitié. En 1784, vous rencontrez Haydn autre immense compositeur que vous appelez ...
Wolfgang Amadeus Mozart : « Papa Haydn ! Lui seul a le secret de me faire rire et de me toucher au plus profond de mon âme »
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Notes de lecture la sélection d’Attypique : lecture, essais, correspondances, liens, films...
Wolfgang Amadeus Mozart, Correspondance, édition de la Fondation Internationale Mozarteum, réunie et annotée par A. Bauer, O. Deutsch et J. Eibl, trad. par Geneviève Geffray. Flammarion, Paris, 1986-1999, 7 vol. ISBN 2-08-067782-9 (édition complète, sous coffret).
Jean et Brigitte Massin, Mozart, Fayard, coll. Les Indispensables de la musique, Paris, 1990
Gilles Cantagrel, correspondant de l’Académie des beaux-arts 2006, ancien directeur de France Musique, a publié en 2005, "Les plus beaux manuscrits de Mozart" aux Éditions La Martinière.
Liens : bio, musique, ville natale
Cinéma 10 films sur Mozart :
Mozart, l’anecdote incontournable :
Mozart a 14 ans est emmené à la chapelle Sixtine à Rome pour assister alors aux matines, lors de la semaine Sainte au Vatican. A l’époque c est l’unique occasion d’entendre le "Misere" d’Allegri.
Cette œuvre, le Vatican souhaite la conserver secrètement. Seuls les choristes ont accès à la partition. Toute tentative de retranscription sur une autre partition était alors punie d’excommunication.
Mozart atypique et libre n’en a cure. Via son oreille absolue et son exceptionnelle mémoire auditive, il réécrit l’œuvre quelques heures plus tard chez lui. Il retourne une seconde fois réécouté le Misere et fixe définitivement sa composition.
Le « Miserere » obtenu fut publié en 1771 à Londres et l’interdiction papale levée.
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