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lundi 21 septembre 2020

Attypique (avec 2 T) / accès libre / Last Interview Marie Curie



Ils sont entrés dans l'Histoire

Ils font l'actualité

Attypique.com réalise leur @LAST_INTERVIEW *




Attypique / Last Interview  Marie Curie




« ne se laisser abattre ni par les êtres, ni par les évènements » 





Doublement nobélisée, femme d’origine étrangère, pauvre, Marie Curie née Marya Sklodowska  (1867 – 1934), appartient à l’histoire de ces femmes trop souvent oubliées car plus dans l action que dans le verbe.

Née le 7 novembre 1867 en Pologne, à Varsovie alors occupée par les Russes, orpheline à 11 ans, elle rejoint l’université polonaise clandestine (dite Université volante) où elle démontre les qualités d'une brillante étudiante.  En tant que femme, toujours première : première docteur ès sciences, premier professeur en Sorbonne, première à recevoir le Prix Nobel. Première et seule a obtenir un deuxième prix Nobel. Privée de tout, elle ignore la résignation.  Atypique, Marie n’a peur de rien. Elle veut gouverner sa vie et se faire un destin. Pour y parvenir, elle lutte contre toutes les formes d’autoritarisme dans sa Pologne natale de la fin du 19 éme siècle. Marie se bat très jeune pour conserver l’exercice de sa langue (on l’obligeait a apprendre le russe).

Elle participe en Pologne avec ses sœurs aux travaux d’Universités volantes plus ou moins admises par les autorités. Marie qui ne se nomme pas encore Curie arrive alors à Paris. Elle émigre de Pologne pour immigrer en France.

Elle perfectionne vite son français. Elle parvient, suite à sa rencontre avec le scientifique Pierre Curie, avec une ténacité remarquable a se hisser au plus haut niveau de l’enseignement à une époque ou aucune femme n’avait encore été acceptée à ce poste. Des critiques bien sûr s’abattent sur Marie Curie, véritable "anomalie" dans un monde où la République et la science n’acceptent pas les femmes, leur refusent les places et les honneurs. Malgré et peut être à cause de ces obstacles, elle a été l’égale d’Einstein qui l’appréciait, l’a toujours défendue et honorée (lire les « bonus » en fin de Last_Interview).


Via ses découvertes et ses initiatives (d‘unité radio mobile avec les « petites Curies » durant la première guerre mondiale), des centaines de milliers de blessés de la grande guerre ont pu êtres sauvés, les rayons X ont permis de localiser les éclats d’obus logés dans leurs chairs. Aujourd’hui encore, la médecine lui doit beaucoup.  Avec Pierre Curie qu’elle épouse en 1895 à la mairie de Sceaux, en région parisienne, elle rencontre une autre personnalité atypique tout aussi discret et tenace. Pierre sait en plus des théories complexes, construire de ses propres mains des appareils tels que la balance de Curie, indispensable pour établir les lois fondamentales du magnétisme ou bien encore le fameux électromètre piezo-électrique pouvant mesurer de très faibles charges.

Les Curie partageaient l’obstination dans l’effort, la rigueur et la mesure en toute chose 
et une autre qualité rare de nos jours : le désintéressement.

Pour eux qu’il s’agisse de décorations (Pierre les donnait à ses enfants pour qu’ils jouent avec, Marie voulait les faire fondre au moment du conflit de 14-18), d’honneurs de toutes sortes, d’argent avec de potentiels dépôts de brevets jamais réalisés, de valeurs conservatrices dans une France « dreyfusarde et anti-dreyfusarde », le désintéressement constitue le fondement de toute leur éthique scientifique.
Le couple a refusé la Légion d'honneur, Pierre Curie déclarant: « je n'en vois pas la nécessité ». 
Mère attentive  - ses lettres éditées récemment à ses deux filles sont touchantes -  Marie Curie connaît bon nombre de souffrances. Veuve à moins de quarante ans, malade, elle s’acharne a travailler jusqu’à la mort avec une forte ténacité. 

Dans « Madame Curie », livre rédigé en 1938 par sa fille Eve, celle-ci la décrit comme « saine, honnête, sensible ». Dans une de ses lettres rédigées du fin fond de sa chère Pologne, à l’âge de 19 ans, ou elle était employée comme institutrice-gouvernante, elle qui rêvait de faire sa médecine en Sorbonne, elle énonce avec une détermination sans faille un de ses principes : « ne se laisser abattre ni par les êtres, ni par les évènements ».
Un caractère dominé par l’opiniâtreté et l’indépendance. 

L’institut Curie toujours en activité de nos jours (lire les notes en fin de Last Interview) reflète l’ouverture d’esprit de Marie. Ainsi, c’est un des très rares endroits en France ou un hôpital (spécialisé dans le traitement du cancer du sein) est associé à un institut de recherche. Marie Curie, c’est aussi une résistante. La mort accidentelle de Pierre Curie, le 19 avril 1906 rue Dauphine à Paris, renversé par un camion hippomobile, la laisse en « première ligne », jeune mère, jeune veuve,  vulnérable face à une partie importante de la presse xénophobe (l’affaire Dreyfus n’est pas oubliée). Une presse que l’on juge aujourd’hui malveillante sur divers sujets à commencer par le rôle et l’indépendance de la femme dans la société. Pourtant, le 5 novembre 1906, quinze ans après que la jeune étudiante de Varsovie ait pénétré pour la première fois dans l’amphithéâtre de physique, la jeune veuve, neuf mois après le décès de Pierre Curie, reprend à la Sorbonne le cours de son mari, exactement là ou Pierre l’avait interrompu. En 1911, décision unique dans son histoire, le Comité Nobel de Stockholm lui décerne un second prix, celui de chimie, huit ans après le prix de physique.  


Marie meurt le 4 juillet 1934 au sanatorium de Sancellemoz, et ses obsèques furent à son image : discrets. L’acte de décès de Marie Curie relève 
« une anémie pernicieuse aplastique à marche rapide, fébrile. La moelle osseuse n’a pas réagi probablement parce qu’elle était altérée par une longue accumulation de rayonnements. » Suite aux recherches effectuées sur des éléments radioactifs, son corps momifié repose dans un cercueil contenant une couche de plomb de 2,5 mm d'épaisseur. Le 20 avril 1995, les dépouilles de Marie Curie et de son mari sont transférées au Panthéon à Paris.




Last Interview: Marie Curie



Attypique.com : Comment analysez-vous votre passion pour les sciences ? Quelles en sont les origines ?

Marie Curie : « Jeune étudiante, la littérature m’intéressait autant que la sociologie et que les sciences cependant au cours de ces années de travail, en essayant peu à peu de découvrir mes préférences réelles, je me tournais finalement vers les mathématiques et la physique. Je lis plusieurs choses à la fois: l’étude suivie d’un seul sujet pourrait lasser ma précieuse cervelle, déjà fort surmenée ! Par exemple je pouvais lire lorsque j’étais gouvernante en Pologne un livre sur la Physique de Daniell, la Sociologie de Spencer en français et les leçons d’anatomie et de physiologie de Paul Bert en russe. Quand je me sens absolument inapte a lire utilement, je résous des problèmes d’algèbre et de trigonométrie qui ne supportent pas de fautes d’inattention et qui me remettent dans le droit chemin ».




Attypique.com : Comment ressentez-vous votre métier et la place de la science dans cette première partie du vingtième siècle ?

Marie Curie :  « Je suis, de ceux qui pensent que la science a une grande beauté. Je ne crois pas que dans notre monde l’esprit d’aventure risque de disparaître. Si je vois autour de moi quelque chose de vital, c’est précisément cet esprit d’aventure qui me paraît indéracinable et s’apparente à la curiosité. Notre société où règne un désir âpre de luxe et richesse, ne comprend pas la valeur de la science. Elle ne réalise pas que celle-ci fait partie de son patrimoine moral le plus précieux, elle ne se rend pas non plus suffisamment compte que la science est à la base de tous les progrès qui allègent la vie humaine et en diminuent la souffrance. Ni les pouvoirs publics, ni la générosité privée n’accordent actuellement à la science et aux savants l’appui et les subsides indispensables pour un travail pleinement efficace ».



Attypique.com : Ce qu’on nommera peut être un jour le féminisme – défendre la cause des femmes dans un monde dominé par les hommes - ne semble pas constituer une priorité pour Vous. Manque d’intérêt ? Discrétion ? Vous êtes la première femme a avoir ouvert les portes de l’université, seule femme et première au doctorat scientifique.. Auparavant deux ans après votre arrivée en France, vous obtenez votre licence de physique avec mention très bien et à la première place. A l’agrégation, vous êtes reçue encore première le 15 août 1896, je n’évoque pas vos deux prix Nobel, encore une première pour une femme tout comme la rentrée universitaire de 1900 ou encore une fois vous êtes la première femme a enseigner à l’École normale supérieure de Sèvres

Marie Curie : « Il faut défendre quelques principes. Pour Moi parmi les premiers je place : ne se laisser abattre ni par les êtres, ni par les évènements. Il faut par conséquent avoir de la persévérance et surtout de la confiance en soi ».



Vous avez croisé Einstein avec qui une réelle complicité scientifique et sans doute intellectuelle vous liait. Quel souvenir en gardez vous ?

malgré nos recherches aucune réponse possible disponible aujourd’hui

Lire en fin de Last Interview la réaction du physicien lorsque Marie Curie a été attaquée par la presse suite à l’affaire « Langevin - Curie ».



Parmi vos découvertes celle liée à la mise en évidence du radium après trois ans d’efforts et le traitement de de tonnes de pechblende avant de réussir a isoler en 1902 un décigramme de radium puis a déterminer son poids atomique constitue une avancée majeure. Quels ont été les éléments déclencheurs de cette immense découverte ?

Marie Curie : « Il y a eu plusieurs étapes. Si l’on s’attache à l’essentiel, la première en 1898 fut l’annonce avec Pierre (Curie) de la présence d’un corps nouveau doué d’une radioactivité puissante dans les minerais de pechblende. Deux minéraux d’uranium, le pechblende et la chalcolité sont beaucoup plus actifs que l’uranium lui même. Ce fait est très remarquable et porte à croire que ces minéraux peuvent contenir un élément beaucoup plus actif que l’uranium. Le métal en question s’il est avéré pourrait s'appeler le polonium du nom du pays d’origine de l’un de nous. Un deuxième élément radioactif s’il se confirme détient une forte radioactivité. Nous avons proposé de lui donner le nom de Radium ».


Attypique.com : Cette découverte demeure une approche intuitive pour bon nombre de chimistes de l’époque qui ont réclamé une preuve de cette intuition avec une mesure du poids atomique du radium. Ce fut la seconde étape de votre découverte qui vous demandé plusieurs longues années de travail de 1898 à 1902 dans votre fameux hangar à Paris.

Marie Curie : « Oui c’est dans ce misérable vieux hangar que s’écoulèrent les meilleures et les plus heureuses années de notre vie, entièrement consacrées au travail. Je passais parfois la journée entière à remuer une masse en ébullition avec une tige de fer, presque aussi grande que moi. Le soir j’étais brisée de fatigue ».


Attypique.com : En 1902, 45 mois après votre annonce « intuitive » de l’existence du radium, vous annoncez son existence suite à la préparation de 1 décigramme de radium pur et la détermination de son poids atomique à 225. Le rayonnement du radium dépasse toutes les prévisions : il serait 2 millions de fois plus fort que celui attribué à l’uranium.

Marie Curie : « C’est exact et il émet une luminosité qui ne peut être observée au grand jour mais on la voit facilement dans la demi obscurité. La lumière émise peut être assez forte pour que l’on puisse lire en s’éclairant avec un peu de produit dans l’obscurité. Ce phénomène peut s’avérer utile pour distinguer certaines matières comme le diamant rendu phosphorescent par l’action du radium et distingué d’imitations en strass dont la luminosité est très faible ».



Attypique.com : il y a aussi ce que l’on a nommé la Curiethérapie
Marie Curie : « L’action du radium sur la peau a été étudiée par M. le docteur Daulos à l’hôpital Saint-Louis. Le radium donne à ce point de vue des résultats encourageants : l’épiderme partiellement détruit par son action se reforme à l’état sain ».



Accédez a un niveau de notoriété mondial suppose des contraintes notamment lorsqu’il s’agit de votre vie privée. Votre liaison supposée avec votre collègue Paul Langevin en 1911 quatre ans après le décès accidentel de votre époux Pierre Curie a déchaîné les passions dans la presse et l’opinion. Dans cette situation, faut il laisser passer la tempête en l’ignorant (comme le suggérait Einstein lire sa lettre en fin de la Last Interview Marie Curie) ou répondre avec les conséquences que cela peut entraîner pour vos travaux ?

Marie Curie : « J’ai répondu par voie de presse par une communication officielle et j’ai continué a travailler chaque jour. On m’a proposé pour le prix Nobel la même semaine que ces parutions. Peu de temps après cette publication j’ai reçu les excuses officielles du journaliste Fernand Hauser a l’origine de cette « cabale ». Dans ma réponse écrite donnée à un grand quotidien je précisais parmi d’autres points : je considère comme abominable toute intrusion de la presse et du public dans la vie privée. Je pourrais me dispenser de toute explication sur ce qui a été publié à mon sujet. La folle extravagance des allégations relatives à ma disparition prétendue avec M. Langevin m’oblige a faire les plus expresses réserves sur l’exactitude ou l’authenticité de tout ce qu’on pourra m’attribuer. Il n’y a rien de mes actes qui m’oblige à me sentir diminuée ».



Attypique.com : Ne percevez vous pas des risques suite à l’utilisation de vos découvertes ou de celles  de chercheurs en général ?

Marie Curie :  « Je vous répondrai par une phrase de Pierre (Curie) qu’il a prononcé lorsque nous avons reçu le Nobel :  On peut concevoir,  que dans des mains criminelles le radium puisse devenir très dangereux et l’on peut se demander si l’humanité a avantage à connaître les secrets de la nature. Je suis de ceux qui pensent avec Nobel, que l’humanité tirera plus de bien que de mal des découvertes nouvelles ».




Lorsque vous avez décidé d’utiliser les rayons X découlant de vos découvertes et de celles de Roentgen (avec Poincaré et Becquerel) aviez vous conscience des risques qu’ils représentaient pour les personnes qui les « manipulaient » ?

Marie Curie :  « Oui j ai même rédigé une note a ce sujet en 1921. Je précisais qu’a forte dose ces rayons provoquent des affections dites « radio-dermites » sortes de brûlures. La personne qui reçoit les rayons ne ressent aucune douleur qui puisse l’avertir qu’elle est exposée. Sans renoncer aux bienfaits de la radiologie (ne plus opérer à l’aveuglette mais a bon escient) il est important d’en connaître les dangers - dans certains cas gangrène et mort - ».




Beaucoup de personnes pensent que lors de vos manipulations avec le radium vous ignoriez sa dangerosité. Est ce exact ? Vous l’évoquiez dans une lettre à une amie en 1920.

Marie Curie : « Mes plus grands ennuis viennent de mes yeux et de mes oreilles. Mes yeux sont très affaiblis et mes oreilles bourdonnent presque continuellement. Peut-être le radium est-il pour quelque chose dans ces troubles mais on ne saurait l’affirmer avec certitude ».

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© attypique 2020






*Last Interview complète réservée à nos abonnés



Marie Curie dans l'actu:

cinéma  mars 2020 : Radioactive 
https://youtu.be/W1KcE48gIng




Last Interview Marie Curie / Notes de lectures :




« Madame Curie » de Eve Curie, éditions Gallimard, 1981







« Marie Curie » Janine Trotereau Folio Biographies 2011



Autres publications :


« La radioactivité artificielle et son histoire » par Pierre Radvanyi et Monique Bordry, ed. Points Sciences, 1984 ;

« Les Curie : pionniers de l'atome » de Pierre Radvanyi, éditions Pour la Science, 2005 ;


« Les sœurs savantes. Marie Curie et Bronia Dluska, deux destins qui ont fait l'histoire » de Natacha Henry, éditions Vuibert , 2015 ;


« Marie Curie une femme dans son temps », de Marion Augustin, Natalie Pigeard et Hélène Langevin, Grund, 2017



Curie « by » Curie :




« Pierre Curie » par Marie Curie, éditions Odile Jacob, 1996. Texte entier disponible sur 
wikisource ;

« Marie Curie et ses filles. Lettres » de Hélène Langevin-Joliot et Monique Bordry, éditions Pygmalion, 2011.




Films et Vidéos :


Anecdotes : radioactives jusqu’à quand ?


Un fac-similé d’une fiche radioactive est visible au musée Marie Curie à Paris



BONUS : Marie Curie / Albert Einstein

Affaire « Langevin - Curie » : le soutien d’Albert Einstein (novembre 1911) face aux « trolls »




"La vile manière dont l'opinion publique se permet de s'intéresser à vous me rend tellement furieux que je me dois de vous faire part de ce sentiment", écrit le physicien dans sa missive, datée du 23 novembre 1911.
"Si la populace continue de s'intéresser à vous, alors ne lisez tout simplement pas ce ramassis de bêtises, et laissez-les plutôt aux reptiles pour qui elles sont inventées".