Elles et Ils sont l'Histoire
Elles et Ils font l'actualité
Attypique.com réalise leur @LAST_INTERVIEW *
@attypique / Last interview Victor Hugo
« La chute des grands hommes
rend les médiocres et les petits importants »
Victor
Hugo, académicien et rebelle, haut dignitaire et exilé, souvent
présenté comme le génie universel aux multiples talents a été avant tout un visionnaire précoce. A 12 ans il écrit ses premiers poèmes.
Royaliste, il publie un essai, « Le dernier
jour d'un condamné » (1829) en faveur de l'abolition de la
peine de mort qu'un ministre, François Guizot, échoue de peu à
faire voter. Sous le règne du "roi-bourgeois" Louis-Philippe 1er, le
chef de l'école romantique se mue en notable et pair de France. Il
devient républicain sous la IIe République (1848) et en appelle à
la création des États-Unis d'Europe quand le continent entre en
ébullition. Visionnaire et populaire, incontestablement. Exilé aussi avant de connaître les honneurs.
Victor Hugo est mort à Paris le 23 Mai 1885 à 83
ans. Plus de 3 millions de personnes ont assisté à ses funérailles. Un écrivain est vivant tant que ses
livres continuent à nous parler. En 2020, Victor Hugo est toujours vivant et actuel.
Dans un de ses livres « les Misérables », il livre certaines réflexions à
l’image de celle-ci qui éclaire sa vie : "Il vient une
heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut
l'action." en précisant « aujourd’hui, ce
qui salit le poète et le philosophe ce n'est pas la pauvreté, c'est la vénalité, ce n'est pas la crotte, c'est la boue ». Victor Hugo toujours dans l'actualité.
Attypique.com:
Comment écrivez-vous ? Souhaitez-vous offrir vos conseils à de jeunes auteurs ?
Victor
Hugo : « Accepter dans l'occasion le mot cru, rejeter le mot sale.
Éviter ces deux écueils le mot impropre, le mot malpropre.
L'adjectif, c'est la graisse du style. Celui-là seul sait écrire
qui écrit de telles sorte qu'une fois la chose faite, on n'y peut
changer un mot. C'est le style qui fait la durée de l’œuvre et
l'immortalité du poète. La belle expression embellit la belle
pensée et la conserve; c'est tout à la fois une parure et une
armure. Le style sur l'idée, c'est l'émail sur la dent. Admirons
les grands maîtres, ne les imitons pas. C'est une mauvaise manière
de protéger les lettres que de prendre les lettrés. Ce sont les
mots nouveaux, les mots inventés, les mots faits artificiellement
qui détruisent le tissu d'une langue. En littérature, le plus sûr
moyen d'avoir raison, c'est d'être mort." Chexpire ", quel vilain nom!
- On croirait entendre mourir un Auvergnat. »
Attypique.com:
Vous n’hésitez pas a inclure de l’argot dans vos romans comme
dans « Les Misérables ». Pourquoi ?
Victor
Hugo : « L'argot c'est le verbe devenu forçat. L'argot est tout
ensemble un phénomène littéraire et un résultat social ... La
misère a inventé une langue de combat qui est l'argot. L'argot,
c'est la langue des ténébreux. Si certains de mes personnages le
sont, il est normal que je les fasse parler de cette manière. »
Attypique.com:
Que représente le théâtre pour un auteur tel que Vous ?
Victor
Hugo : « Il y a deux manières de passionner la foule au théâtre:
par le grand et par le vrai. Le grand prend les masses, le vrai
saisit l'individu. Je ne reconnais pour grand écrivain que celui qui
a telle page qui est comme son visage et telle autre page qui est
comme son âme. »
Attypique.com:
Vous dessinez beaucoup. Que représente l’art à vos yeux ?
Victor
Hugo : « L'art, c'est la création propre à l'homme. L'art est le
produit nécessaire comme la nature est le produit nécessaire et
fatal d'une intelligence finie. L'art est à l'homme ce que la nature
est à Dieu. L'art, c'est le reflet que renvoie l'âme humaine
éblouie de la splendeur du beau. L'art, c'est le relief du beau
au-dessus du genre humain ».
Attypique.com:
Vous avez été un homme politique réellement engagé voire exilé. Que
vouliez-vous réformer en vous engageant en politique? Une certaine
idée de la Liberté et de la Justice ?
Victor
Hugo : « Monsieur, j'ai pour principe, écoutez bien cela, d'admirer
l'admirable et de m'en tenir là. Qu'appelez-vous justice ? Qu'on
s’entraide, qu'on soit des frères, qu'on vêtisse ceux qui sont
nus, qu'on donne à tous le pain sacré, qu'on brise l'affreux bagne
où le pauvre est muré. Or, aujourd’hui, ce qui salit le poète et
le philosophe, ce n'est pas la pauvreté, c'est la vénalité, ce
n'est pas la crotte, c'est la boue. C'est l'extirpation du faux goût
qui, depuis près de trois siècles, substituant sans cesse les
conventions de l'école à toutes les réalités, a vicié tant de
beaux génies. Ne l’oublions pas : la liberté commence où
l'ignorance finit. Il y a une divinité horrible, tragique,
exécrable, païenne. Cette divinité s'appelait Moloch chez les
hébreux et Teutatès chez les celtes; elle s'appelle à présent la
peine de mort. Je suis de mon siècle et je l'aime! ».
Attypique.com:
Quelles voies avez-vous voulu privilégier pour aider les plus
faibles ?
Victor
Hugo : « Un peu d’histoire pour atteindre l’essentiel : Avant
l'imprimerie, la Réforme n'eût été qu'un schisme, l'imprimerie
l'a faite révolution. Ôtez la presse, l'hérésie est énervée.
Que ce soit fatal ou providentiel, Gutemberg est le précurseur de
Luther. Il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans
l'esprit du peuple: car c'est par les ténèbres qu'on le perd. Ceux
qui vivent sont ceux qui luttent. Osons le dire : la guerre, c'est la
guerre des hommes, la paix c'est la guerre des idées. Il ne peut y
avoir rien que de factice, d'artificiel et de plâtré dans un ordre
de choses où les inégalités sociales contrarient les inégalités
naturelles. Je disais hier à Ch. Dupin: - M. Guizot est
personnellement incorruptible et il gouverne par la corruption. Il me
fait l'effet d'une femme honnête qui tiendrait un bordel ».
Attypique.com: La plupart de vos récits décrivent la réalité d'une misère grandissante notamment dans certains faubourgs de Paris. Lorsque le parlementaire Hugo aborde ce sujet à la tribune de l'assemblée nationale, celle-ci se montre moins sensible à son discours qu'a ses livres. D’où le divorce politique entre Vous et la parti "de l'ordre". Vous confirmez ?
Victor Hugo : « Oui, l'accueil de ma déclaration à l'Assemblée Nationale sur ma volonté de détruire la misère fut froid en effet (juin 1849). Pourtant je dis que la société doit dépenser toute sa sollicitude, toute son intelligence , toute sa volonté pour que de tels faits (liés à la misère) ne soient pas. Je dis que de tels faits , quand ils existent dans un pays civilisé , engagent la conscience de la société toute entière, que je m'en sens moi qui parle, solidaire et complice, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l'homme que ce sont des crimes envers Dieu ».
Attypique.com: La plupart de vos récits décrivent la réalité d'une misère grandissante notamment dans certains faubourgs de Paris. Lorsque le parlementaire Hugo aborde ce sujet à la tribune de l'assemblée nationale, celle-ci se montre moins sensible à son discours qu'a ses livres. D’où le divorce politique entre Vous et la parti "de l'ordre". Vous confirmez ?
Victor Hugo : « Oui, l'accueil de ma déclaration à l'Assemblée Nationale sur ma volonté de détruire la misère fut froid en effet (juin 1849). Pourtant je dis que la société doit dépenser toute sa sollicitude, toute son intelligence , toute sa volonté pour que de tels faits (liés à la misère) ne soient pas. Je dis que de tels faits , quand ils existent dans un pays civilisé , engagent la conscience de la société toute entière, que je m'en sens moi qui parle, solidaire et complice, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l'homme que ce sont des crimes envers Dieu ».
Attypique.com:
Pensez-vous que l’Europe politique existera un jour ?
Victor
Hugo : « Le scepticisme est la carie de l'intelligence. Un jour
viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre,
vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos
qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous
fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous
constituerez la fraternité européenne ! Amis, la persécution et la
douleur c'est aujourd'hui ; les États-Unis d'Europe, les
Peuples-Frères c'est demain... Au vingtième siècle, il y aura une
nation extraordinaire... Elle sera illustre, riche, puissante,
pacifique, cordiale au reste de l'humanité. Elle aura la gravité
douce d'une amie... elle aura quelque peine à faire la différence
entre un général d'armée et un boucher... Elle s'appellera
l'Europe et aux siècles suivants, plus transfigurée encore,
l'Humanité ».
Attypique.com:
Vous avez connu la vie d’un exilé pour des raisons politiques.
Comment avez-vous vécu cette période de censure ?
Victor
Hugo : « Bonté de l'exil. - Voltaire est plus Voltaire à Ferney
qu'à Paris. Danton fut l'action dont Mirabeau avait été la parole.
J’en ai la conviction : l'encrier brisera les canons. Devant la
conscience, être capable, c'est être coupable. La censure est mon
ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure
est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J'accuse la censure.
La chute des grands hommes rend les médiocres et les petits
importants. Quand le soleil décline à l'horizon, le moindre caillou
fait une grande ombre et se croit quelque chose. L'exil est une
espèce de longue insomnie. L'exil, c'est aussi la nudité du droit.
»
Attypique.com:
Croyez-vous a une puissance surnaturelle qui dépasserai l’humain
ou pensez vous que l’homme lui même renferme du divin ?
Victor
Hugo : « Je ne puis regarder une feuille d'arbre sans être écrasé
par l'univers. Dieu est derrière tout, mais tout cache Dieu. Dieu,
c'est la raison ; Dieu, c'est l'amour ; Dieu, c'est l'être; C'est le
devoir de vivre après le droit de naître. A la chose la plus
hideuse mêlez une idée religieuse, elle deviendra sainte et pure.
Infini et éternel, ce sont là les deux aspects de Dieu. L'homme ne
sera adulte que le jour où son cerveau pourra contenir dans sa
plénitude et dans sa simplicité la notion divine. Attachez Dieu au
gibet, vous avez la croix. Lorsqu’on jette un regard sur la
création, une sorte de musique mystérieuse apparaît sous cette
géométrie splendide; la nature est une symphonie; tout y est
cadence et mesure; et l'on pourrait presque dire que Dieu a fait le
monde en vers. Tout crépuscule est double, aurore et soir. Cette
formidable chrysalide qu'on appelle l'univers trésaille
éternellement de sentir à la fois agoniser la chenille et
s'éveiller le papillon. Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe,
c'est Dieu.»
Attypique.com:
Victor Hugo et les femmes, c’est une histoire dense, parfois compliquée, ardente,
passionnée, forcément emprunte de romantisme. A l'automne de sa
vie, comment a aimé ou aime encore le poète Hugo ?
Victor
Hugo : « Aimer, c'est savoir dire je t'aime sans parler. L'Amour participe de l'âme même. Il est de même nature
qu'elle. Comme elle il est étincelle divine; comme elle il est
incorruptible, indivisible, impérissable. C'est un point de feu qui
est en nous, qui est immortel et infini, que rien ne peut éteindre.
A vingt ans, on est plus amoureux qu'autre chose; à soixante on est
plus autre chose qu'amoureux. Aimer quelqu'un, c'est lui donner de
l'importance à ses propres yeux, l'aider à croire en lui même.
Aimer, c'est savourer, au bras d'un être cher, - La quantité de
ciel que Dieu mit dans la chair... J’ajoute qu’a Aucune grâce
extérieure n'est complète si la beauté intérieure ne la vivifie.
Ce génie particulier de la femme qui comprend l'homme mieux que
l'homme ne se comprend. La femme a une puissance singulière qui se
compose de la réalité de la force et de l'apparence de la
faiblesse. Dans la bouche d'une femme, non n'est que le frère aîné
de oui. Je pense des femmes comme Vauban, des citadelles. Toutes sont
faites pour êtres prises. Toute la question est dans le nombre des
jours du siège. Une jolie femme est un casus belli ; une jolie femme
est un flagrant délit. En amour, tel mot, dit tout bas, est un
mystérieux baiser de l'âme à l'âme. L'amour, panique de la
raison, se communique par le frisson. Je lègue au pays, non ma
cendre, - Mais mon bifteck, morceau de roi. - Femmes, si vous mangez
de moi, - Vous verrez comme je suis tendre... »
Attypique.com:
Finalement, au regard de votre œuvre, c’est toujours l’humain et
ses secrets qui constituent l’axe essentiel.
Comment l’homme peut-il s’élever voire se dépasser ? Par la raison ou par le rêve ?
Victor
Hugo : « La raison, c'est l'intelligence en exercice ; l'imagination, c'est l'intelligence en érection. La grandeur se compose de deux éléments qui sont
l'essence même du génie: deviner et oser. Se donner à ce qui sera
malgré la résistance de ce qui est. L'instinct, c'est l'âme à
quatre pattes; la pensée c'est l'esprit debout. Dans les temps
anciens, il y avait des ânes que la rencontre d'un ange faisait
parler. De nos jours, il y a des hommes que la rencontre d'un génie
fait braire. Dans tout fanfaron il y a un fuyard. De quelque mot
profond tout homme est le disciple. Depuis l'origine des choses
jusqu'au quinzième siècle de l'ère chrétienne inclusivement,
l'architecture est le grand-livre de l'humanité, l'expression
principale de l'homme à ses divers états de développement, soit
comme force, soit comme intelligence. Deux choses font la fleur: la
graine et le rayon de soleil. Deux choses font le grand homme: le
génie et l'occasion. Dieu a fait un nœud que l'homme cherche à
dénouer avec deux mains: la philosophie et la Science. Donc, je
marche vivant dans mon rêve étoilé! Élevez-vous. Élargissez votre
horizon. Quittez l'argile, la fange, le ventre, l'intérêt,
l'appétit, la passion, l'égoïsme, la pesanteur. Allez à la
lumière. Devenez une grande âme. Passez du géocentrique à
l'héliocentrique. »
...
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© attypique 2021
Jean Philippe @attypique
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Jean Philippe @attypique
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janvier 2020 / Un poème inédit de Victor Hugo retrouvé dans sa ville natale:
https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/doubs-un-poeme-inedit-de-victor-hugo-retrouve-a-besancon_3791419.html
Les trois "bio" consultées par la rédaction:
Sandrine Fillipetti, Victor Hugo, Folio, 2011, 353 p.
Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo. Tome I : Avant l’exil, 1802-1851, Fayard, 2001. 1337 p. Tome I : Pendant l’exil, 1851-1864, Fayard, 2008, 1285 p
Hubert Juin, Victor Hugo, Flammarion, 1980-1986. 3 vol. 882 p.
Hubert Juin, Victor Hugo, Flammarion, 1980-1986. 3 vol. 882 p.
Les trois liens recommandés par la rédaction:
http://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/fr/victor-hugo/biographie-de-victor-hugo
http://www.juliettedrouet.org/lettres/#.Xh9GMchA5eU
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